Une nouvelle collaboration réussie entre l’association Greenspits et le club de l’ESMassy ! Les organisateurs bénévoles soutenus par 80 grimpeurs motivés ont remis le couvert en organisant une opération de grand nettoyage le dimanche 14 avril au secteur Franchard Isatis, l’un des plus fréquentés de la forêt de Fontainebleau. Le but de ce clean-up : en découdre avec les déchets dans la bonne humeur !
Oh Yeah !!!! C’est parti ! Photo ©A.Delicque
Des bénévoles au top
Les nettoyeurs s’étaient donnés rendez-vous à 10h pétantes pour arpenter méticuleusement les alentours du parking, des blocs et chemins d’accès, et ramasser tout type d’objets indésirables en sous-bois que certains de leurs congénères avaient pu ingénieusement laisser derrière leur passage. À leur arrivée, un barnum dressé au lever du jour par une poignée d’organisateurs abritait un petit déjeuner convivial, digne d’un week-end chez mamie : café, brioche et madeleines, carburants essentiels pour un grand nettoyage de printemps…
P.A Guihéneuf, pilier de ce Clean’up. Photo ©A.Delicque
Les premiers participants — qui avaient vaillamment bravé la gelée matinale, l’appel de la grasse mat’, mais aussi celui de “la collante de l’année” — se sont vus décerner un t-shirt Greenspits ou Massy, ainsi qu’un kit de ramassage complet : pinces, gants et bien sûr l’immanquable sac poubelle. Profitons-en pour remercier l’ONF qui nous a prêté une partie de ce matériel de pointe, et qui est venu récupérer les déchets accumulés dans la journée !
Briefing matinal par Mme Le Menestrel. Photo ©A.Delicque
Au total, ce sont pas moins de 80 bénévoles qui ont participé à cette journée placée sous le signe du partage. Avec trois fois plus de participants que pour la première édition, on se dit que l’âme verte est une qualité de plus en plus répandue parmi nos amis bleausards ! Souhaitons que, pour la prochaine fois, le virus de la propreté se soit encore plus propagé ! En tous cas, toutes ces petites mains se sont disséminées comme des fourmis tout autour du QG éphémère pour trouver les endroits les plus sales et ramener le plus de déchets possible au parking, quitte à devoir donner de sa personne !
Attrape-moi si tu peux ! Photo ©A. Martin
Une récolte hétéroclite
Grimpeurs, randonneurs ou simples amoureux de la forêt, locaux ou parisiens, seuls, en famille ou entre amis, de passage ou ayant planifié l’événement depuis des semaines, français ou étrangers, tous ont découvert avec émotion de ce que l’homo sapiens peut semer d’incongru derrière lui. 2019 sera un cru exceptionnel : dans le tableau de chasse on trouve …
- Un CD d’Isabelle Aubret datant de 2006
- Un paquet de gâteaux périmé depuis 1986
- Des pots de crème fraîche de 5kg, neufs…
- Un pot d’échappement
- Deux pneus
- Une barrière de parking
https://www.youtube.com/watch?v=7iLFnkXZ4CA Photo ©A.Delicque
La mine d’or s’est révélée être le bord de la route de Milly, nationale passant à quelques centaines de mètres du secteur. Certains ont même dû utiliser leur voiture pour ramener au parking leurs découvertes du jour !
Outre les classiques mégots et autres bouteilles de bière, grande nouveauté cette année : visiblement, certains de ceux qui dorment la nuit sur le parking préfèrent le confort de la lingette légèrement humide et délicatement parfumée au vulgaire PQ. Bien sûr, dame forêt ne les remercie pas : le temps de décomposition de ces lingettes et incomparable à celui du papier toilette. Dans tous les cas, allez faire vos besoins munis d’un petit sac poubelle, et n’hésitez pas à utiliser une pelle à caca pour faire votre trou !
À la fin de la journée, le juge mandaté pour l’occasion a procédé à la pesée officielle de ce qui avait été glané tout autour du parking. Bilan : 250 kg de déchets ramassés cette année, record à battre !
Avis aux amateurs de drift ! Promo sur les pneus neige lisses ! Photo ©A.Delicque
Coup de jeune pour les blocs
Vers le milieu de l’après-midi, les bénévoles ont raccroché leur matériel de ramassage des déchets et se sont dirigés vers les blocs pour un nettoyage en règle. Le grès bellifontain nous est envié par la Terre entière pour son grain fin unique et sa variété de préhensions, en rondeurs ou en lames tranchantes ; il souffre malheureusement de la surfréquentation.
… 50 nuances de grès. Photo ©A.Delicque
L’usure est parfois irréversible : tout comme le grimpeur aux biceps dignes de Daniel Woods, sous les quelques millimètres de sa croûte dure se cache un cœur sensible et friable. Il faut donc le cajoler, et après que ses plats ont reçu des baffes toute l’année, il nous remercie d’un peu d’attention. Il suffit de peu de choses : un pulvérisateur et une belle brosse en soie de porc (le nylon a tendance à fondre au brossage et à se nicher dans le grain fin du grès), et des blocs qui pleuraient leur magnésie par tous leurs pores se retrouvent comme neufs !
Eline et Marka, une collaboration pour une future agence de nettoyage ? Photo ©A.Delicque
Cette fin d’après-midi a aussi été l’occasion pour certains de mettre les chaussons pour tâter un peu de ce caillou tout propre. Notre bel ambassadeur Hugo Parmentier est allé se ruiner les biceps dans son projet du moment La fête de l’insignifiance, sur le bloc de l’Insoutenable légèreté de l’être, une ouverture historique à l’Isatis. Cette session de calage en compagnie du phénomène local Charles Albert semble avoir été productive : Hugo réalisera ce 8b+ — son premier ! — deux jours plus tard ! Bravo à lui ! Charles s’est quant à lui consciencieusement décapé la peau des doigts et des orteils sur son projet du moment, un départ assis d’un des blocs les plus mythiques de la forêt. Affaire à suivre…
Hugo Parmentier et Charles Albert exemplaires ! Photo ©A.Delicque
Quelques mots d’Hugo, fort compétiteur mais aussi (et surtout !) nonogradiste et membre de Greenspits :
“Super session de nettoyage à Isatis, la météo était avec nous, ça a rendu la collecte très agréable, une matinée à se balader dans la forêt finalement.
J’ai été très agréablement surpris de ne pas trouver tant de déchets sur le spot de grimpe, pourtant un des plus fréquenté de Fontainebleau. On ne peut pas en dire autant du parking et de la propreté des blocs…Ramenez votre “shit bag” à la maison et brossez les blocs les amis
Merci à Greenspits d’organiser ces évènements !”
Le pacte du bloqueur
L’objectif de cette journée était en fait multiple : bien sûr ramasser tous les déchets du coin, faire un grand nettoyage des blocs du secteur très fréquenté de l’Isatis, partager un moment des grimpe avec d’autres grimpeurs “consom’acteurs”, mais aussi sensibiliser le public aux enjeux de l’impact des grimpeurs sur leur milieu. Accumulation des déchets, plâtrage et patine des blocs, tassement des sols, érosion grandissante, introduction d’espèces invasives, multiplication des départs de feu, nous avons tous à nous questionner sur les traces que nous laissons derrière nous dans le milieu naturel. Si nous prenons tous l’habitude de respecter tous quelques règles simples, nous laisserons intact notre terrain de jeu favori pour les générations suivantes !
Malheureusement, le bilan de la journée est sur ce point un peu négatif : après la fin de l’événement, un groupe de bénévoles ont découvert, à quelques mètres de là où avait été installé le barnum, un feu à même le sol, allumé par quelques grimpeurs bien enfoncés dans leurs crash-pads, inconscients du danger que représente un barbecue en période de sécheresse. Ci-dessous le témoignage de Julien Gasc, Vice-Champion du Monde d’escalade handi, membre de Greenpits et du club de l’ESMassy. Promis, la prochaine fois on essaiera de faire mieux sur ce point !
“Après avoir participé à l’opération de nettoyage ce jour là, nous avons également profité du beau temps pour grimper sur place. À notre retour sur le parking à la tombée de la nuit, et à notre grande surprise, nous constatâmes que certains grimpeurs avaient allumé un feu, quasiment à même le sol, à deux pas de là où quelques heures au préalable se trouvait le barnum qui servait pour l’accueil du “Clean Up”. Nous sommes alors allés à la rencontre de ces individus visiblement peu conscients des dangers qu’ils faisaient courir à nôtre chère forêt. Lorsque nous leur avons demandé s’ils savaient que c’était interdit, c’est avec étonnement qu’ils nous ont répondu que la veille au soir, quatre feus étaient allumés sur ce même parking. Nous leurs avons alors conseillé de l’éteindre en rappelant que le simple fait de camper en sauvage dans la forêt était interdit et qu’ils encourraient une amende conséquente ; les gardes forestiers n’étant absolument pas transigeant dans la situation où les campeurs allument un feu. Nous avons également rappelé que la forêt de pins est particulièrement propice au départs d’incendie (il n’était alors pas tombé une goutte de pluie depuis des semaines et plusieurs départs de feu avaient été signalés ailleurs en forêt). Nous avons tristement constaté la réserve de bois ramassée par ces grimpeurs qui prévoyaient visiblement d’alimenter leur feu durablement. Notre échange fût bref et courtois, mais lorsque nous quittâmes le site quelques minutes plus tard le feu brûlait toujours et nous ne saurons jamais si ces personnes ont suivi nos conseils ce soir là. Il semblerait qu’un certain effort de sensibilisation et d’éducation vis-à-vis de ce sujet soit nécessaire. Une visite occasionnelle des gardes forestiers, a minima préventive, sur ce parking devenu un point de chute pour de nombreux grimpeurs de toute l’Europe pourrait également aider à dissuader ce genre de comportements.”
La fontaine… bleau pour une seconde vie sans magnésie ! Photo ©A.Delicque
Une bienveillance contagieuse
À la fin de la journée, tout ce petit monde s’est rassemblé autour du QG de l’événement. Ceux qui avaient ramené un sac de déchets, petit ou gros, participaient à la tombola permettant de gagner le crash-pad qui nous avait été gentiment offert par Snap. Notre plus jeune participante a procédé au tirage au sort avec toute l’innocence et le sérieux du monde : le grand gagnant est Jarno Zwiebel, bleausard ayant écumé les blocs durs de la forêt, moniteur d’escalade et éternel veinard !
Merci Snap Climbing ! Dommage que ce ne soit pas moi qui l’ait gagné ! Photo ©A.Delicque
La conclusion revient à Eline Le Menestrel, membre de Greenspits, grimpeuse ayant sillonné les falaises des quatre coins du globe, et co-organisatrice de l’événement :
“Ce matin-là grand ciel bleu et températures proches de 0°C à Fontainebleau. Les conditions parfaites pour une simple et belle journée de grimpe avec la collante au rendez-vous.
Mais en ce dimanche d’avril, c’était un peu plus qu’une belle journée de grimpe qui nous attendait. Le Cleanup Day allait rassembler des grimpeurs passionnés, bleausards ou étrangers, novices ou experts, jeunes ou vieux autour d’une même volonté : rendre à la forêt un peu de ce qu’elle nous offre en faisant un grand nettoyage des secteurs très fréquentés Isatis et Cuisinière.
Je préfères nettoyer les blocs que ma salle de bain… Photo ©A.Delicque
Le but de cet évènement était bien sûr de ramasser le plus de déchets possibles mais aussi d’organiser une action concrète qui véhicule la volonté d’avoir une pratique de l’escalade respectueuse d’autrui et de l’environnement.
J’ai été touchée de voir tous ces grimpeurs qui ont répondu à l’appel des deux associations et se sont mobilisés pour passer une journée un peu différente en forêt.
En tant que grimpeuse, je me sens constamment confrontée à une contradiction : l’escalade me fait sentir profondément proche et respectueuse de la nature, je dirais même amoureuse. J’ai donc une sensibilité particulière aux problèmes environnementaux. Mais d’un autre côté notre pratique a un impact environnemental considérable, rien que par le fait que nous brûlons de l’essence et/ou du kérosène pour nous rendre dans nos spots préférés. Sans parler du fait que nous pratiquons notre activité dans des milieux qui abritent des écosystèmes très fragiles et que l’on a vite fait de déranger la faune, détruire la flore, éroder les sols…
“Je suis là !!!!” Photo ©A.Delicque
Cette contradiction est dérangeante et n’est pas évidente à regarder en face mais elle est bien présente. J’aime penser que le malaise qu’elle apporte dans ma conscience écologique me pousse à constamment remettre sur la table la question : comment ma pratique est-elle ou n’est-elle pas en accord avec mes valeurs et comment avoir une pratique cohérente et remplie de sens ?
Je suis profondément convaincue que chaque petit geste compte et voilà pourquoi j’étais heureuse de participer à l’organisation de ce Cleanup day, petit grain de sable dans le désert d’actions à entreprendre.
Merci à tous les participants et à bientôt pour d’autres actions ensemble !”
La fine équipe des bénévoles 🙂 Fontainebleau vous tire le chapeau ! Photo ©A.Delicque
Un grand merci à tous les participants de ce clean-up, et en particulier à Snap, qui a offert le pad, à l’ONF, qui nous a prêté du matériel et a récupéré les déchets, à Ludo Hourlier, qui nous a gracieusement prêté le barnum, à Arthur Delicque notre photographe de choc, à Pierre Délas “M. Fanatic” et Eline Le Menestrel les co-organisateurs, à Hugo Parmentier notre ambassadeur du jour, et au club de Bloc’age, qui est venu en masse !
Vous reprendrez bien un ptit’ coup de fuel ? Photo ©A.Delicque
On termine par quelques bonnes pratiques bleausardes, en plus de ceux du pacte (que vous connaissez sans doute par cœur !) :
- Limitez l’utilisation de la magnésie, et ne partez jamais sans votre brosse en poil naturel et votre chiffon pour taper les plats.
- Nettoyez soigneusement vos chaussons avant vos essais : vous aurez moins de chances de zipper, et ça préservera le rocher ! Les vieux de la vieille ont un petit paillasson, et vont même jusqu’à cracher dans leurs paumes et en enduire leurs semelles pour un nettoyage avant chaque essai, qui ajoute un soupçon d’adhérence qui fait la différence dans les dalles retorses.
- Ne traînez pas vos crash pads par terre, cela érode les pieds de blocs. Certains passages ont vu leur cotation augmenter du fait du désensablement, alors si vous avez assez de force pour mettre des dizaines d’essais dans vos projets, vous en aurez certainement suffisamment pour porter votre pad sur 10 mètres !
- Il y a de plus en plus de tiques en forêt, et la maladie de Lyme progresse… Voici un petit topo sur les tiques et comment s’en protéger. Faites aussi attention aux chenilles processionnaires.
- Pas de feu en forêt. C’est dangereux, et le charbon issu de la combustion assombrit le sable. Vous ne voulez pas que la sable blanc de Bleau, le plus pur du monde, devienne orange. Alors pas de feu. Oubliez.
- Respectez les interdictions et les réserves naturelles.
- Ne grimpez pas sur les blocs fragiles en période humide : les prises auront plus de chances de casser. Ne tentez jamais de les sécher avec un appareil chauffant. Ça en fera peut-être rire certains, mais il y en a qui ont essayé au chalumeau. Plusieurs fois.
Pour plus d’infos, on pourra consulter le site du Cosiroc, acteur majeur de l’entretien et la protection des sites bleausards, ou celui de la tribune libre de Bleau.
L’humour comme arme de prise de conscience massive ! Photo ©A.Delicque
Texte : P.A Guihéneuf
Photos : Arthur Delicque