Débat ouvert sur les topos – AG Greenspits du 26 mars 2022

La 7ème assemblée générale de Greenspits a eu lieu le 26 mars 2022 à Mollans-sur-Ouvèze. Ce rassemblement annuel des membres de l’association est l’occasion d’organiser des discussions ouvertes à tous pour évoquer les problématiques propres à la communauté de l’escalade. Cette année un débat sur les topos d’escalade nous a semblé judicieux pour aborder les difficultés actuelles des équipeurs, les perspectives pour l’avenir, mais aussi les non dits et les idées reçues suite à une enquête que nous avons réalisée auprès des grimpeurs.

Le topo est un outil incontournable pour assurer la pérennisation des sites naturels d’escalade. Mais cet outil n’est efficace que si une partie de ses bénéfices n’est reversée au financement du matériel nécessaire à l’équipement et au rééquipement des voies.

Lors du confinement, Greenspits a mené une consultation publique auprès de plus de 600 grimpeurs afin d’observer leur perception quant au caractère vertueux des topos d’escalade. Les résultats  complets de cette consultation (que nous mettrons en ligne dans un prochain article ) nous ont amenés à organiser ce débat. 

Cela répond également à l’une des missions de l’association : mettre en lumière les problématiques comme l’impact des grimpeurs sur sites naturels d’escalade (SNE), l’entretien des sites, leur développement, ou parfois des sujets plus polémiques. Pour remplir cet objectif, nous souhaitons interpeller, questionner, critiquer, mais surtout permettre aux différents acteurs de faire entendre leur voix afin qu’émergent des solutions.

Il nous semble donc naturel de donner la parole aux gens de terrains, à tous ceux qui œuvrent pour l’escalade en falaise, et pour la pérennisation des sites d’escalade. Qu’ils soient équipeurs, grimpeurs de renom ou simples pratiquants, représentants fédéraux, associations, clubs, collectivités ou indépendants, nous souhaitons que tous les points de vue soient entendus.

Pour continuer à nourrir ce débat, nous publions ci-dessous le compte rendu de cet échange. 

Bonne analyse, bonne lecture et surtout restons connectés au rocher !

Compte rendu de la table ronde concernant les topos.

Samedi 26 mars 2022 à Mollans sur Ouvèze.

Parties prenantes au débat : Greenspits, membres et non membres de l’association.

Préambule :

Pour cette seconde édition du weekend collectif, Greenspits a proposé au débat plusieurs thématiques dont une intitulée : topos papiers la fin d’un tabou ?

En effet, l’association avait durant le confinement lancé un sondage en ligne, ouvert à tous sur la question des topos. et 630 réponses ont été collectées. Il apparaissait donc important de pouvoir les présenter.

De plus, le questionnement autour des topos privés ou fédéraux ainsi que leur légitimité fait une partie de l’actualité dans le sud de la France depuis quelques mois. Le sujet vastement polémique s’est progressivement élargi à la communauté des grimpeurs et nous avons en ce sens voulu aborder le sujet lors de notre rassemblement.

Nous n’avons adressé aucune invitation personnelle concernant ce sujet, et les personnes qui sont intervenues sont des membres de l’association ou des non membres qui ont décidé spontanément d’y participer suite à la première annonce faite au sujet des thèmes des tables rondes quelques semaines auparavant.

Etaient présents autour de cette table ronde : 

  • plusieurs membres du bureau de Greenspits, 
  • plusieurs membres de l’association
  • plusieurs grimpeurs et équipeurs non membres,
  • dont Adrien Boulon, membre de Greenspits travaillant de manière indépendante sur un projet de topo du Ventoux avec Jibé Tribout,
  • dont Jibé Tribout, co-auteur du topo très controversé de Buoux paru à l’automne 2021, et à l’initiative d’un topo du Ventoux à venir,
  • dont Philippe Pipard, ancien membre de Greenspits, président de l’association des Pics Verts et venu représenter la parole de différents acteurs locaux dont le CT 84 et plusieurs équipeurs.

Les points suivants ont été portés au débat :

  1. La préservation du travail des équipeurs locaux et leur implication dans discussions et négociations avec les collectivités, les municipalités et le PNR
  2. La nécessité de préserver l’escalade sur les nombreux sites référencés du Ventoux
  3. La question des topos papiers Vs les topos numériques
  4. Le financement d’un topo et la répartition des coûts de production / bénéfices

1 . Travail des équipeurs locaux et Implication auprès des instances locales

  • Philippe Pipart insiste sur le fait que ce sont les équipeurs et acteurs locaux qui sont compétents et légitimes pour réaliser les topos de la région et déplore les topos privés comme les Rock Fax ou celui en préparation par Jibé Tribout. Il ne comprend pas pourquoi Jibé Tribout, acteur privé, non impliqué selon lui dans la gestion locale des SNE, décide d’éditer un topo de la région du Ventoux co-réalisé par Adrien Boulon. Il relaye les propos du CT 84 qui accuse Greenspits d’offrir une caution morale à celui-ci.
  • Les membres du bureau rappellent à M. Pipart qu’en aucun cas Greenspits n’a conclu de partenariat avec Jibé Tribout, et que malgré le caractère de membre d’Adrien boulon, il s’agit d’un travail parfaitement indépendant qui ne les concerne pas directement. Greenspits se positionne uniquement dans une optique de transparence quant à la question de l’équipement et des topos, et souhaite proposer à tout un chacun la possibilité d’entendre toutes les positions concernant ces sujets. Greenspits rappelle que la table ronde n’a pas été faite pour aborder l’unique débat sur le topo de la région Ventoux à venir.
  •  Jibé Tribout pour sa part, précise qu’il n’y a plus de topo fédéral depuis quelques années et que la demande est forte. Il estime que les falaises sont le « bien commun » des grimpeurs et non la « propriété » d’une poignée de personnes, et qu’à ce titre chacun peut avoir la possibilité d’intervenir ou réaliser des topos, des équipements ou rééquipements. Il souhaite avec l’édition du topo réalisé par Adrien Boulon reverser 100% du bénéfice des topos au rééquipement une fois l’éditeur et l’auteur payé. C’est le même pourcentage que le topo corse, cité en exemple comme prestataire privé vertueux. Cela devrait représenter entre 20K€ et 30K€ sur les 3 premières années. Il veut aussi suivre l’exemple des topos à l’étranger qui sont plus vastes que ceux que nous avons en France car répertorient les secteurs d’escalade par grandes régions, et non par sites.
  • Sur ce point Adrien Boulon explique qu’en tant qu’équipeur sa préoccupation est la préservation des sites, la possibilité de proposer à la communauté des grimpeurs des équipements et des ouvertures de qualité. Il souhaite avec la réalisation de ce topo répondre à la demande très forte des grimpeurs pour avoir un topo à jour de la région et dont une grande partie reviendra à l’équipement. Le topo de Saint Léger et ses alentours datant de 14 ans et n’étant plus disponible à la vente depuis quelques années, il n’existe à ce jour que le Rockfax, largement décrié par les grimpeurs locaux. Il explique également que sa motivation à travailler avec Jibé Tribout réside dans la réalisation d’un topo vertueux et que la question de la part reversée au rééquipement était une condition essentielle pour qu’il s’engage dans ce projet.

2. La nécessité de préserver l’escalade sur les nombreux sites référencés du Ventoux

  • Il apparaît au cours des discussions que les différents intervenants de la table ronde partagent le même objectif, à savoir préserver l’escalade sur les différents sites référencés autour du Ventoux. Adrien Boulon précise que le travail réalisé par le CT de la Drôme et par l’association d’équipeurs autour de Buis-les-Baronnies est un travail de qualité et qu’il n’y a pas besoin de référencer les sites de cette zone à l’exception de Baume Rousse dans le topo en réalisation et qu’ils seront dans le topo fédéral. Philippe Pipart explique qu’effectivement il n’y a plus de topos récents et que les derniers réalisés sont ceux de Greenspits pour les sites autour de Mollans.

3. La question des topos papiers Vs les topos numériques

  • La question se pose sur les différents formats de topos possibles. Papier ou numérique ? Les deux ? Quels enjeux ? Quelles attentes des consommateurs ? 
  • Greenspits a réalisé une série de topos numériques gratuits et accessibles à tous dont Carole Palmier présente les limites : Ces topos sont largement téléchargés ” les 2 premières années de l’association nous avons compté 300 adhésions Greenspits versus 4000 téléchargements de topos “ . Elle rappelle que cela représente un travail très important de réalisation et mise en page, de maintenance web, et de mise à jour des informations (difficiles à obtenir), ce qui mobilise des moyens humains et financiers. Les topos Greenspits ne sont actuellement plus à jour, les bénévoles compétents sur ce domaine sont difficiles à trouver.
  • Philippe Pipart explique qu’en effet les secteurs des topos Greenspits ont fait l’objet de nouveaux équipements.
  • Le bureau Greenspits intervient : dans ce cas, pourquoi ne pas apporter ces nouvelles informations à l’association (acteur local également) afin de réaliser ces MAJ ?
  • Plusieurs personnes expliquent l’importance d’avoir des topos papiers, qu’il s’agit généralement d’un format qu’ils affectionnent, pour plusieurs raisons : l’aspect esthétique, le côté matériel et pas virtuel, la part reversée au rééquipement etc. Mais il est précisé que pour certains sites où l’on ne va qu’une fois, un topo numérique peut suffire.
  • Les grimpeurs présents abordent le fait que l’on ne sait pas parfaitement à qui et dans quelle mesure est reversée la part pour le rééquipement lorsque l’on achète un topo papier.
  • Il est aussi expliqué que l’évolution des nouvelles technologies appellent à une modernisation du format des topos, mais que certaines initiatives sont critiquables avec par exemple des sites comme C2C.
  • L’exemple de la Corse est cité par Adrien Boulon pour son format alliant topo papier et numérique ainsi que son fond équipement et rééquipement.

4. Le financement d’un topo et la répartition des coûts de production / bénéfices

  • Sont rappelées les sources de financement des topos. Ils sont principalement financés par les subventions des collectivités, le bénévolat ou des fonds privés. Un topo reste coûteux à financer (mise initiale d’environ 25 K€) : recensement des voies, photos, rédaction, conception graphique, édition… La question de la gratuité des topos en ligne est donc posée. Est-ce viable ? Est-ce applicable à tous les topos ou cela doit- il être fait dans le cadre d’initiatives plus locales et isolées ? Comment de ce fait continuer à financer le rééquipement ? Plusieurs intervenants se disent favorables à une version numérique disponible pour l’achat d’un topo papier.
  • Enfin il est expliqué aux auditeurs présents comment se fait la répartition du prix de vente d’un topo et comment sont répartis les bénéfices. Sur une base de 3000 à 4000 exemplaires :
  1. Conception et fabrication : environ 20%
  2. Transport : environ 7 à 8 %
  3. Marge du revendeur : environ 30%
  4. Marge bénéficiaire : environ 45 %, à répartir entre l’éditeur, l’auteur et les équipeurs
  • Adrien Boulon mentionne que cela représente donc des enjeux financiers qu’il ne faut pas nier, et que la part consacrée aux équipeurs locaux est éditeur/auteur-dépendants.
  • Le bureau Greenspits rappelle que malheureusement cette part est souvent loin d’être la plus élevée malgré les croyances des grimpeurs, et que les informations à ce sujet sont très difficiles à obtenir. Le bureau Greenspits insiste sur les enjeux de la transparence des topos sur ce sujet, sans pour autant critiquer arbitrairement les montants alloués, car chacun comprend que toutes les parties prenantes d’un topo soient correctement rétribuées pour leur travail. Le tout est de le communiquer en toute transparence afin que le consommateur sache ce qu’il achète et où va son argent.
  • Enfin plusieurs personnes ont expliqué que s’il existe dans le futur plusieurs topos d’un même site ou d’une même région, qu’ils soient privés ou fédéraux, c’est finalement la qualité de ceux-ci qui fera leur légitimité et leur succès auprès des grimpeurs.

Enquête Greenspits sur les Topos : résultats complets à venir…

Les résultats de la consultation publique mettent en évidence que pour la plupart des grimpeurs ce sont les topos papiers qui sont les plus sollicités et que 58% d’entre eux pensent que la vente des topos papiers ne finance pas toujours le rééquipement des falaises bien que ce soit leur souhait à la grande majorité. 

Même constat pour les topos numériques dans une moindre proportion avec 36% des réponses. 

Autre constat : même avec l’existence de topos numériques en libre accès, les grimpeurs continueraient à acheter des topos papier afin de contribuer à soutenir le rééquipement, certains se disent même ouverts à un système de dons.

Le débat est vaste et les propositions nombreuses… résultats complets à consulter très bientôt !

Conclusion

Pour conclure, nous pensons que cette table ronde débutée dans un climat relativement tendu a permis une prise de parole apaisée de la part de chacun. Les différents arguments ont pu être soulevés et entendus, et malgré des avis divergents, il était important que tous puissent exprimer leurs positions publiquement, dans une ambiance respectueuse. Nous renouvellerons l’exercice lors de nos prochains évènements !

Greenspits rappelle que l’association est un acteur local qui a participé à l’équipement, au rééquipement, à la réalisation de topos dans le secteur du Ventoux comme la Carrière du Maupas, les Basses gorges du Toulourenc, le Rocher Crespin, Entrechaux et La Baume des Eyguiers à Mollans-sur-Ouvèze. Greenspits a également financé un part importante d’un espace accueil pour les grimpeurs à Saint-Léger-du-Ventoux via un crowdfunding en lien avec le Jardin Singulier ( WC secs, préau, etc…).

Nous avons toujours gardé de bonnes relations et même participé à des actions réalisées par la FFME dont le CT 84, les clubs régionaux. Nous avons soutenu les équipeurs et les ouvreurs individuels en leur fournissant du matériel et nous continuerons à le faire indépendamment de tout parti pris.

Nous vous invitons à continuer à suivre nos actus et à venir faire entendre votre voix lors des évènements, à partager vos opinions, vos idées et vos projets car c’est bien cela qui permet de faire avancer le schmilblick !

Nous remercions chacune des personnes présentes sur la table ronde d’avoir pris le temps et fait l’effort de venir débattre de ces sujets.

Le bureau de Greenspits.